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Présentation.-
Les poèmes regroupés sous le titre Chansons couvrent une longue période.
Certains, comme De Paris, Les amours mortes, Pourquoi ? sont en fait les paroles de chansons composées et chantées, sous le premier pseudonyme de Jac Anry, entre 1954 et 1956.
D'autres, comme Va, nous irons encore ensemble, Le faux espoir ou Imprécations datent des années 90.
LES AMOURS MORTES
Les amours mortes vont par deux
sur les chemins comme des gueux,
et le chagrin dessous nos portes
a glissé feuille et lettre mortes
aux amoureux.
Cheveux d'ébène et taille fine,
quand les lilas refleurissaient,
j'allais avec ma Colombine...
le temps passait.
Le saule a séché de longtemps
et le lit pierreux du torrent
a laissé s'enfuir les ondines,
pleurez tourterelles câlines,
au gré du vent.
Cheveux d'ébène et taille fine,
quand les lilas refleurissaient,
j'allais avec ma Colombine...
le temps passait.
Où sont les amours d'autrefois ?
où sont les pleurs ? où sont les joies ?
où est le temps des amours mortes
qui s'effeuillaient devant nos portes
au long des mois ?
Cheveux d'ébène et taille fine,
quand les lilas refleurissaient,
j'allais avec ma Colombine ...
C'est temps passé !
BOHEME
Ce nuage qui court apporte le crachin
qui tombera bientôt sur mes épaules lasses,
mais la route est si longue et le but incertain.
Que m'importent au fond les nuages qui passent ?
Ce nuage qui court apporte le crachin...
Que m'importent au fond ces lumières qui passent ?
A l'auberge où le chant se paie d'un verre de vin
aucune femme ici n'a préparé ma place.
Car j'ai choisi la route et tisse mon chemin.
La nuit est douce à ceux que la bohème enlace
et le bohème douce à qui ne tient en place...
Et que m'importe au fond ce nuage qui passe !
Qu'il lave mes cheveux s'il porte le crachin.
Demain sera soleil, qui n'est pas si lointain !
VA, NOUS IRONS ENCORE ENSEMBLE
L'ombelle opaque du désir
s'ouvre sur l'ombre de nos cœurs
quand dans tes yeux je vois sourire
l'obscure flamme du malheur.
Parfois la vie sans toi me berce
de l'illusion de jours meilleurs,
mais ton regard soudain transperce
le for secret de mes douleurs.
Ma liberté aime les chaînes
que tu refermes sur ma peur
de perdre enfin celle que traîne
de jour en nuit le bourlingueur.
Des années folles, des jours de liesses,
des routes bleues, des maisons rares,
les chemins verts de nos jeunesses,
des souvenirs de nulle part.
Va ! Nous irons encore ensemble
au long du quai sentir la mer,
attendant que la mort rassemble
ceux que déchirent leurs jeux d'enfer
POURQUOI ?
Je ne sais pas pourquoi la Seine
semble grise sous le ciel bleu,
je ne sais pas pourquoi je t'aime,
pourquoi je hais les amoureux,
pourquoi nos projets éphémères
aux néons se sont écrasés,
je ne sais pourquoi les lumières
m'enfoncent dans l'obscurité.
La vie était simple et tranquille,
bonheurs amers et doux regrets,
où êtes-
j'ai cru en vous, et puis après ?
Quand sonne l'heure des rendez-
me voici sans celle que j'aime,
quand sonne l'heure des rendez-
me voici seul près de la Seine.
Je ne sais pourquoi les lumières
autour de moi ont tournoyé,
ni pourquoi ma vie éphémère
s'est effacée dans l'eau glacée.
Mais que m'importe si tu l'aimes,
que m'importent les amoureux,
car moi j'ai épousé la Seine,
la Seine grise. Amie, adieu !
IMPRECATIONS
Ces Dachau, Guernica, Golgotha, Montségur,
au nom de Dieu, du sang, de la race ! Et l'impur
se mêlant à l'indécent et monstrueux diktat
du faux masqué du vrai qui dans l'horreur s'ébat !
A tous les suppliciés de la raison d'Etat,
aux empalés, aux crucifiés, êtres de peu de cas
jetés dans les bûchers du noir Inquisiteur,
roués, écartelés, bouillis ou morts de peur,
égorgés de l'Islam, éventrés des Croisades,
et vous, femmes violées des sombres dragonnades,
blonds enfants embrochés, satis terrorisées,
sorcières calcinées, anges sodomisées.
Faut-
Entendre sangloter l'orphelin ? Faut-
la mère infortunée retenant éperdue
la fille de son sang dans le sang étendue ?
Le mot humanité jamais ne conviendra
à l'inhumaine horreur de tant de sacrifices.
De quel sinistre espoir peut bien se faire complice
qui donne encore le jour à qui demain sera
peut-
le bourreau de son juif, de son noir l'assassin,
ricanant fou furieux, gardant sa mansuétude
et un regard humain pour son chat, pour son chien !
LE FAUX ESPOIR
Avec l'âge, que voulez-
mon vieux carnet de rendez-
a pris des vides...
et si nous avons quelques rides,
le cheveu gris, un peu de bide,
qu'y pouvons-
Vous avez demandé à me voir !
Merci, madame, je n'ose y croire,
ne sais que dire...
Mon cœur allait de mal en pire,
d'un coup je le sens refleurir,
trembler d'espoir...
L'amour ne dormait que d'un œil,
il a comme un sursaut d'orgueil
à vous entendre !
Trouvons sur la Carte du Tendre
un nouveau port où se défendre
bon pied, bon œil.
Vous avez demandé à me voir !
Merci, madame, je n'ose y croire,
ne sais que dire...
Mon cœur allait de mal en pire,
déjà je le sens refleurir,
trembler d'espoir...
Ah ! vous disiez ? pardon, Madame !
Je me suis trompé de programme !
Ah, bon ! enfin...
Sans vous je suivrai mon chemin
et ce sera bientôt la fin
du mélodrame...
Vous aviez demandé à me voir...
Merci, Madame, j'ai pu y croire
et vous sourire...
Mon cœur ira de mal en pire !
Je le sens déjà se flétrir
et perdre espoir.
AVOIR UN CŒUR
A ces tohu-
le temps répond :
Indifférence !
Et ce désir qui nous enflamme
lentement fond.
Au bric-
la vie se perd
dans le silence.
Que reste-
dans ce désert ?
Parfois remonte à la surface
de nos douleurs
une espérance.
Mais de nos émois nulle trace,
que du malheur !
Revienne le temps de l'enfance,
de la tendresse
et du bonheur,
nous saurons bien saisir la chance
d'avoir un cœur !
CROQUIS PARISIENS
Sous le Pont Mirabeau s'en vont les âm'en peine
avec des ronds dans l'eau sur les bords de la Seine,
et sur l'Allée des Cygnes les amours, deux par deux,
oublient la mort insigne des amants malheureux
de Paris.
Les chalands sur la berge, pesants et consternés,
quand la grue les allège rêvent de liberté.
Ils saluent du regard les rides du courant
et, tirant leurs amarres, appellent l'océan
à Paris .
Les enfants en jouant dans les rues, sur les places,
font des jeux terrifiants des fontaines Wallace.
Ils courent après les chiens qui s'enfuient la queue basse
ou encor, l'air de rien, au passant font des crasses,
à Paris .
Au carrefour, Barbara, Julie ou bien Margot,
monnayent leurs appas sous l'œil noir d'un barbeau,
et l'agent débonnaire, sur le trottoir d'en face,
bavarde à l'éventaire d'une fleuriste grasse
de Paris.
*
Du Quai de Corse à Notre-
flâne mon coeur, traîne mon âme...
Maubert, Cluny puis l'Odéon,
le métro scande ma chanson.
C'est dans la rue du Chat qui pêche,
la pipe au bec, l'air un peu bêche,
que j'ai croisé tant de rapins,
qu'on m'a posé tant de lapins...
A la fontaine Saint-
ne s'assoit plus le bien trop bel
enfant d'salaud, coureur de blondes,
buveur de brun', rêveur de mondes.
Square du Pont-
du ventre vide et coeur battant,
dressant à quelque midinette
un madrigal en chansonnette ?
Rue Bonaparte, il m'en souvient,
dans quel hôtel ? ça me revient !
échangions-
qu'en reste-
Et la Bastille, où nous rêvions,
Place des Vosges, Pas de la Mule,
la Rue de Lappe où nous passions
au ras des filles qui ondulent.
L'amour s'en vient, la vie s'en va,
passent les nuits et les semaines,
brodant le fatal canevas...
Je sais trop bien où ça nous mène !
© Les marches, Mirmande, photo Jac Kallos.